Protection des données personnelles : ces lanceurs d'alerte méconnus de 1974.
On entend parler du RGPD à toutes les sauces. Pas une semaine sans que chacun y aille de son analyse plus ou moins pertinente sur les apports ou les lacunes d’un texte qui rentrera en vigueur le 25 mai prochain. Mais pour parler du futur, il faut souvent connaître le passé. Et s’agissant de la protection des données personnelles, l’histoire nous renvoi notamment à ce jour du 21 mars 1974…
Le début des années 70 est en effet marqué par la prise conscience du potentiel de l’informatique. C’est également la naissance d’un projet dont l’acronyme est SAFARI (Système Automatisé pour les Fichiers Administratifs et le Répertoire des Individus) destiné à définir chaque français par un identifiant qui vise à croiser les fichiers et à ficher les français sans soumettre le projet au Parlement.
1974 aussi a eu ses lanceurs d'alerte...
Il se trouvera heureusement des fonctionnaires dont le mérite n’a rien à envier à celui de Edward Snowden qui feront habillement fuiter le projet auprès de la presse et c’est le journaliste Philippe BOUCHER du quotidien Le Monde qui jettera un énorme pavé dans la mare le 21 mars 1974 avec un article au vitriol sur le projet doté d’un titre sans ambiguïté : « SAFARI ou la chasse aux français. »
Le journaliste, à l’évidence, bénéficie de sources précises et pose pour la première fois de manière aussi nette la problématique du traitement des données personnelles : « A travers la France, les différents services de police détiennent, selon la confidence faite par un très haut magistrat 100 millions de fiches réparties dans 400 fichiers (…). ».
Et de l’informatisation de ces fichiers, voilà ce qu’il écrit : « De telles visées comportent un danger qui saute aux yeux et que M. Adolphe Touffait, procureur général de la Cour de Cassation avait parfaitement défini le 9 avril 1973 devant l’Académie des sciences morales et politiques en disant : « la dynamique du système qui tend à la centralisation des fichiers risque de porter gravement atteinte aux libertés et même à l’équilibre des pouvoirs politiques »
Vous avez dit « visionnaire » ?...
Ce fabuleux article 1 alinéa 1 de la loi du 6 janvier 1978
L’article provoquera un énorme scandale et le Président de la République Valery Giscard D’Estaing lancera le mouvement qui conduira in fine à la création de la CNIL et de la loi du 6 janvier 1978 dont l’article 1 alinéa premier demeure à ce jour une merveille juridique : « L'informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s'opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. »